mardi 4 juillet 2017

Journal d'Arcadie - Peter Doherty



Je n'ai pas hésité très longtemps lorsque j'ai vu que sortait une traduction en français des carnets intimes de Peter Doherty, sous l'intitulé "Journal d'Arcadie". Je possédais déjà la version originale, sortie en 2014, qui portait quant à elle le titre "From Albion To Shangri-La", mais j'avoue que, l'anglais n'étant pas ma langue maternelle, certains passages m'étaient extrêmement difficiles à comprendre tant la plume de l'artiste peut être complexe et sibylline. Chapeau donc au traducteur Thomas Baignères, musicien français qui a rencontré par hasard Peter Doherty dans le quartier du Marais à Paris et qui a joué ensuite quelques concerts en sa compagnie, d'avoir réussi la gageure de rendre accessible l'ensemble de ces écrits à tous les lecteurs francophones...

Le "Journal d'Arcadie" est en quelque sorte la suite des "Carnets d'Albion" (si on peut véritablement parler de suite avec des écrits qui n'ont pour la plupart du temps aucun liens les uns avec les autres), qui étaient sortis en 2007 et qui regroupaient en un seul livre une vingtaine de carnets composés de poèmes, paroles, dessins, photos et collages datant de 1999 à 2007. Il s'agissait d'une porte d'entrée unique et indispensable pour comprendre l'univers singulier du musicien. Le lecteur y découvrait l'ascension glorieuse de l'artiste au firmament du rock tout autant que sa descente vertigineuse dans les abîmes les plus profondes de la drogue et de la toxicomanie. Le tout était superbement illustré et offrait de nombreuses photos d'archives inédites.

Mais alors que le projet des "Carnets d'Albion" avait été principalement porté par Peter Doherty en personne, celui du "Journal d'Arcadie" est né sous l'impulsion de Nina Antonia, auteur spécialisée dans la chronique des mésaventures des enfants du rock débauchés (elle avait déjà écrit un livre en 2000 à propos du chanteur et guitariste américain Johnny Thunders). Elle est entrée en possession des journaux intimes de Doherty en 2013, bien que ses premières requêtes datent en réalité de 2010 à une époque où le musicien vivait encore dans un minuscule appartement de Kentish Town, sortant tout juste de prison et quelque peu perdu sur le plan personnel. Au fil des années, ses écrits étaient devenus de plus en plus chaotiques et de plus en plus difficiles à décrypter, les conséquences de l'abus de drogues et de longues périodes d'insomnie.

Nina Antonia a donc fait le tri dans cet amas d'informations, de notes personnelles, de gribouillis, de réflexions et de poésie. Entre l'encre coulée et les tâches de sang, elle a plongé la tête la première en essayant de se frayer un chemin. Petit à petit, une sorte d'histoire est apparue, un fil conducteur s'est tracé et elle s'y est accrochée avec véhémence. Sans pour autant parler d'un récit continu (il peut se passer plusieurs jours, mois, voire années entre deux pages), le journal possède une certaine logique narrative qui permet au lecteur de ne pas se sentir totalement perdu. Mais il ne demande pas une lecture rigoureuse et régulière. Celui qui le tient en main peut, de la même façon que le journal a été écrit, le laisser trainer quelque temps dans un coin avant d'en reprendre la lecture, et cela sans jamais perdre le fil.

Le "Journal d'Arcadie" reprend là où on s'était arrêté avec les "Carnets d'Albion", c'est en dire au début de l'année 2008. D'un point de vue artistique, Peter s'apprête à sortir son premier album en solo, l'élégant "Grace/Wastelands" (2009). Il s'en suivra une période plus ou moins creuse sur le plan musical jusqu'à la sortie du troisième opus de Babyshambles, "Sequel to the Prequel", en septembre 2013. Le chanteur n'est, cependant, pas resté inactif pour la cause puisqu'il a notamment repris du service avec son premier groupe The Libertines à l'occasion de deux concerts à Leeds et Reading (totalement passé sous silence dans le "Journal d'Arcadie") et tourné le film "Confession d'un enfant du siècle" en tant qu'acteur principal (évoqué quant à lui à plusieurs reprises).

Dans les premières pages, le lecteur le suit dans son Angleterre natale, à Londres ainsi que dans sa maison de campagne à Sturmey, où il parle de son addiction, de ses tournées, de sexe, de ses amis, de sa famille,... Sa relation avec Amy Winehouse est évoquée à plusieurs reprises (ainsi que celle, plus conflictuelle, avec l'ex-mari de la star défunte Blake Fielder-Civil) et on peut lire également un message touchant de Peaches Geldof (présentatrice de télévision, journaliste et actrice britannique) déclarant qu'elle ne veut pas mourir, et ce six ans avant de succomber malgré tout à une overdose d'héroïne... Le mannequin Kate Moss, avec qui Doherty a vécu l'histoire la plus tumultueuse du début du XXIe siècle, apparaît également dans son journal de manière sporadique.

L'histoire nous emmène ensuite de plus en plus régulièrement à Paris, où il finit d'ailleurs par s'installer définitivement en compagnie de ses ballerines Octavie et Céline (il a entretenu une relation avec cette dernière). On l'accompagne également en Thaïlande lors d'un séjour avorté dans une clinique de désintox à Chiang Mai. Enfin, les dernières pages évoquent de plus en plus régulièrement sa dernière petite-amie en date, la réalisatrice française Katia De Vidas, et le journal se termine par un carnet de bord de tournée ainsi qu'un entretien réalisé par Nina Antonia.

L'univers de Peter Doherty que l'on découvre à travers le "Journal d'Arcadie" est parfois (souvent?) glauque mais il a le mérite d'être entier et sincère. Cela s'explique notamment par le fait qu'il s'agit d'écrits personnels qui n'avaient pas pour objectif d'être publiés lorsqu'ils ont été rédigés. Il reflète aussi, et surtout, de manière unique la personnalité à la fois complexe, tourmentée, éloquente et insatiable d'un des artistes les plus intéressants de sa génération.

Nina Antonia : Pourquoi est-il si pénible pour vous de vous reposer ?
Peter Doherty : Parce qu'il se passe trop de choses...

Extraits du livre :

Ses efforts pour arrêter la drogue

A propos du film "Confession d'un enfant du siècle"

La prise de drogue

Séjour en cure de désintoxication en Thaïlande

A propos des Libertines

La descente de drogue

Peaches Geldof

Kate Moss

Amy Winehouse

Dans le Thalys Paris-Londres








            

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