On avait laissé alt-J en 2014 avec l'album This Is All Yours, le
second opus du groupe anglais après le prestigieux An Awesome Wave sorti
quant à lui en 2012. Mais après trois années de disette musicale, les
pensionnaires de Leeds, rencontrés à l'époque dans le sous-sol d'un immeuble
alors qu'ils faisaient chacun leur lessive, ont annoncé l'arrivée du petit
dernier, Relaxer, pour le mois de juin 2017. Disette musicale
a-t-on dit ? Pas tout à fait, en réalité. Ou du moins, pas pour
tout le monde. Que s'est-il passé alors durant ces trois années ? Pour commencer,
il ne faut pas oublier que le groupe a terminé sa tournée This Is
All Yours en décembre 2015. Ensuite, chacun a profité de cette période pour faire
ce qui lui plaisait, comme l'ont expliqué les musiciens via leur compte
Facebook : "Thom [Green, le batteur] a sorti un album solo [High
Anxiety en 2016]; Gus [Unger-Hamilton, le clavier] a ouvert un
restaurant; et Joe [Newman, le chanteur et guitariste] a regardé
beaucoup de films."
Et c'est en août 2016 que la trêve a pris fin, lorsque le trio a retrouvé
le chemin du studio, avec comme résultat un nouvel album tout chaud, tout
frais. En guise d'apéritif, ils ont dévoilé un premier single
tournant mystérieusement autour de la thématique du chiffre 3. Tout d'abord, il porte le
titre 3WW, ce qui signifie dans ce cas précis 3
Worn Words (littéralement 3 Mots Usés). Ensuite, le
teaser a été réalisé le 03/03, la chanson 3 jours plus tard et l'album 3
mois et trois jours plus tard (si vous suivez bien ?). Pour finir, ce morceau
est interprété par trois chanteurs différents, à savoir Joe Newman, Gus Unger-Hamilton
et Ellie Rowsell, chanteuse du groupe de rock alternatif Wolf Alice.
Le morceau débute par quelques notes de guitare avant de plonger rapidement
dans un beat hypnotique et méditatif. Il nous emporte alors dans un voyage
chamanique durant pratiquement 5 minutes. Tel un prêcheur s'adressant à ses fidèles,
Gus Unger-Hamilton commence par prendre la parole pour raconter la parabole d'un jeune rebelle vivant sur la côte est de l'Angleterre et qui part de
chez lui un beau matin en considérant que le monde sera désormais sa
maison, la terre son lit et le ciel son toit.
"There was a wayward lad
Stepped out one morning
The ground to be his bed
The sky his awning"
Joe Newman prend le relais de sa voix trainante et miauleuse à
travers des paroles obscures qui pourraient évoquer l'électricité produite
par une rencontre amoureuse dans les champs de la campagne
anglaise sous le ciel étoilé de minuit.
"Neon, neon, neon
A blue neon lamp in a midnight country field
Can't surround so you lean on, lean on
So much your heart's become fond of this"
Gus et Joe unissent alors leurs voix pour le refrain qui évoque les
fameux 3 Worn Words. Sans que cela soit explicitement précisé
dans la chanson, ces trois mots usés font certainement référence à l'expression Je
t'aime, une déclaration qui peut s'abîmer au cours des années et perdre
de son sens au fil de son utilisation. Le narrateur compare ces trois
mots à la statue en bronze de Juliette Capulet à Vérone qui a été usée par
les mains des touristes venues la toucher pour recevoir le bonheur,
l'amour éternel et la fertilité. Ce lien avec la statue symbolise également un
certain désenchantement de l’amour et révèle les difficultés à parler un même
« langage amoureux » à l'intérieur d'une relation. A l’image de la statue à
Vérone, un geste attentionné pour l’un peut être négatif pour l’autre.
"Oh, these three worn words
Oh, let me whisper like the rubbing hands
Of tourists in Verona
I just want to love you in my own language"
Le troisième couplet, chanté à nouveau par Joe Newman, suppose une relation sexuelle
entre le jeune rebelle et deux filles venant d'Hornsea, une petite ville côtière
de l’est de l’Angleterre dans le Yorkshire. Il compare le parfum et la chaleur
de cette nuit à l'odeur du bois qui est en train de brûler. Mais à peine ce moment passé,
au petit matin, les deux filles l'abandonnent en laissant simplement en guise d'au revoir un petit mot à son
attention.
"Well, that smell of sex
Good like burning wood
The wayward lad laid clean
To two busty girls from Hornsea
Who left a note in black ink"
Ellie Rowsell, de sa voix envoutante, vient
donner une sorte de réponse à la vision ultra-romantisée que possède le narrateur de cette nuit.
C’est l’avis des deux filles d’Hornsea qui s’exprime à travers ce couplet et
elles se comparent à des sirènes venues séduire un marin, l'attirer dans les
profondeurs de la mer, lui prendre son amour et ensuite le rejeter sans ménagement. Elles n’ont
pas accordé la même importance à cette nuit que le jeune garçon car elles n’ont
pas la même représentation de l’amour que lui. Pour elles, celui-ci est
éphémère et le temps ne fait que l’éroder comme les côtes de l’Angleterre. Elles sont plus expérimentées que lui et leur vision est plus cynique.
"Girls from above say
"Hi" (hi)
The road erodes at five feet per year
Around England's east coastline
Was this your first time?
Love is just a button we press
Last night by the campfire"
"Oh, these three worn words
Oh, that we whisper like the rubbing hands
Of tourists in Verona
I just want to love you in my own language"
A travers un mélange de rythmes trip hop et de sonorités folk, alt-j nous invite à méditer à propos de cette parabole contemporaine sur l'amour.
L’album Relaxer a été enregistré dans les studios Iguana et Abbey Road à
Londres via les labels Infectious et Atlantic et sous les commandes du
producteur Charlie Andrew. La pochette est une capture d’écran du jeu
PlayStation LSD (aussi appelé LSD: Dream Emulator). L’album comportera 8 titres avec 3WW en guise de plage d’ouverture.
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