lundi 28 novembre 2016

Weyes Blood - Seven Words




Derrière le pseudonyme Weyes Blood - clin d'œil à la nouvelle Wise Blood de l'écrivaine américaine Flannery O'connor - se cache le projet solo de Natalie Mering. Cette chanteuse pop-folk, qui s'inscrit dans la lignée des grandes prêtresses des années '70, quelque part entre Joni Mitchell et Judee Sill, puise dans les références musicales du passé pour façonner ses jolies chansons. Mais elle n'est pourtant pas une artiste d'une autre époque. Si les orchestrations évoquent l'âge d'or de la folk West Coast, c'est bel et bien un état des lieux du monde contemporain qu'elle dresse, tel un peintre qui prend du recul pour reproduire sur sa toile ce qui se trouve face à lui. Le titre de son nouvel album, Front Row Seat To Earth (que l'on pourrait traduire par "Au premier rang face à la Terre"), corrobore d'ailleurs cette idée d'une observation passive du monde. Elle en relève les différentes facettes, dans ce qu'elles ont de plus universelles (comme l'amour ou la séparation) ou de plus modernes (comme l'hyper-connectivité), en y ramenant une pointe de romantisme dont il semble dépourvu de nos jours.

A 28 ans, cette fille d'un ancien rockeur devenu pasteur, autrefois membre de la chorale paroissiale et voyageuse devant l'Eternel, est loin d'être une novice dans la discipline même si son nom reste encore largement confidentiel à travers nos contrées. Depuis une dizaine d'années, Natalie Mering a pris les chemins de l'underground américain, de Portland à Philadelphie (avec Jackie O Motherfucker, notamment), pour retourner ensuite vers un son plus personnel à travers son projet Weyes Blood. Front Row Seat To Earth, qu'elle a coproduit avec le multi-instrumentaliste Chris Cohen, est déjà le troisième opus de l'artiste californienne après The Outside Room (2013) et The Innocents (2014), sans compter l'EP Cardamom Times (2015). Il est composé de 9 ballades vaporeuses qui sont à la fois un mélange d'instruments traditionnels (piano, guitare acoustique, flute, corne) et d'équipements électroniques moins courants. Mais c'est surtout la voix gracieuse et solennelle de l'artiste qui donne toute son identité à cet album dont le premier single s'intitule Seven Words.

Weyes Blood - Seven Words (clip officiel)

Seven Words est une ode à la séparation, à ces personnes avec qui l'on partage une partie de sa vie et que l'on finit par laisser derrière pour se tourner vers d'autres horizons. Au fil de ses paroles, la chanteuse exprime avec lyrisme le contexte de cette rupture : l'impossibilité de chasser ses démons ("If I could learn to leave my troubles behind"), le sentiment d'aliénation ("In time we'll both be free from this ball and chain"), le mal que l'on finit par se faire ("My words that made you bleed"), le fait de devenir des étrangers l'un pour l'autre ("Who I am but a stranger who took you down"), l'amour, malgré tout, qui est encore présent mais qui est annoncé dès le début comme pour adoucir ce qui va être dit ensuite ("I love you and you have to know"), le besoin d'évasion et de tout laisser derrière ("Lost in the storm") et le fait d'assumer ses choix ("Now I face tomorrow").

"It's starting to hurt and I know you moved on
Telling everyone how I done you so wrong"

C'est pratiquement dans un murmure que Natalie Mering commence sa chanson alors que résonnent à l'arrière les notes profondes d'un orgue électronique qui rappellent la ballade Something des Beatles, morceau écrit en 1969 par George Harrison et parue sur l'album Abbey Road. Une ligne de basse discrète et une batterie délicate viennent progressivement donner plus d'ampleur à la chanson avant que le solo de slide guitare ne l'emmène vers sa seconde partie. Elle reprend un instant sa pureté de départ (voix-orgue) pour ensuite se diriger vers le final où les chœurs et les instruments viennent à nouveau occuper le devant de la scène.

"(...) I wanna go home
Only home I've known
Lost in the storm"
            
Les seven words du titre restent, quant à eux, un mystère puisqu'ils ne sont pas explicitement cités dans la chanson. La chanteuse y fait cependant référence à trois reprises ("The seven words I say to you", "These seven words are no longer mine" et "I had to be seven words to set us free"). Si une analyse rapide des paroles permet de déceler plusieurs vers qui comportent sept mots ("I love you (...) you have to know", "I want you mostly in the morning", "When my soul is weak from dreaming"), cela ne représente pas forcément une explication convaincante. Il semblerait davantage que ces sept mots forment une phrase, une phrase absente de la chanson, qui soit à la fois une excuse et une explication sur les raisons de la séparation.

"The seven words I say to you, one by one"

Le clip vidéo a été réalisé par l'artiste américaine Charlotte Linden Ercoli Coe. L'utilisation d'un filtre optique et les décors dans lesquels il a été tourné donnent à son ensemble une atmosphère très seventies. Les images jouent sur l'ambivalence des sentiments et la difficulté de quitter une personne même si c'est nécessaire. Au final, c'est la personne quittée qui finit par aider l'autre à s'évader. Le côté sérieux et sombre de la chanson est cassé par des images cocasses telles que des sirènes masculines légèrement empotées se relaxant sur un rocher ou encore une jeune femme monnayant un selfie avec une Natalie Mering transformée, elle aussi, en sirène et échouée sur la plage
  
"Now I face tomorrow
Now I face tomorrow
Now I face tomorrow"


Weyes Blood - Front Row Seat To Earth

L'album Front Row Seat To Earth est sorti le 21 octobre 2016 sur le label Secretly Canadian Publishing (BMI). Toutes les chansons ont été écrites par Natalie Mering et l'artwork a été réalisé par l'artiste Evan Howard Hill.


Seven Words

The seven words I say to you, one by one
I love you and you have to know

If I could change how I'm insane
If I could learn to leave my troubles behind
It's starting to hurt and I know you moved on
Telling everyone how I done you so wrong

Cat scratch a beast
My words that made you bleed
Now I face tomorrow
Now I face tomorrow

In time we'll both be free from this ball and chain
Hanging on to things
I want you mostly in the morning
When my soul is weak from dreaming

When the dust has cleared
And you forget that I'm here
Hanging on
I've been hanging

Who had the last word
I'm telling you first
Who had the last word
I'm telling you first

These seven mords are no longer mine
Who am I but a stranger who took you down
It's starting to burn and I wanna go home
Only home I've known
Lost in the storm

I had to be seven words to set us free
Now I face tomorrow
Now I face tomorrow
Now I face tomorrow


 

      

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